Michel Pastoureau est un auteur incontournable (1) pour tout étudiant en design graphique… Auteur prolixe (2), il donne aussi de nombreuses conférences à la radio ou dans les musées. Par exemple le Centre Pompidou l’invite régulièrement.
Michel Pastoureau, un érudit de la couleur.
Michel Pastoureau a une solide formation : diplômé de l’école des Chartes, il est historien et, à la Sorbonne, il a longtemps occupé la chaire (3) de la Symbolique occidentale. Il a publié de nombreux ouvrages consacrés à l’histoire des couleurs, aux animaux, aux symboles. Evidement, ces thèmes sont très importants quand on étudie le graphisme : une couleur peut être utilisée comme une convention (4) qui permet de faire passer un message sans mots.
Les couleurs vues par cet expert.
Elles ne sont pas anodines, elles véhiculent des codes, des tabous (5), des préjugés auxquels nous obéissons sans toujours le savoir. Elles influencent notre environnement, notre langage (nous « voyons rouge », sommes « verts de peur »…), notre imaginaire, nos comportements disent certains. Pastoureau insiste sur le fait que la couleur parle d’abord de notre environnement. Il faut percevoir une couleur pour qu’elle existe ! Par exemple, le blanc. En langue inuit, il il y a plus de 30 mots pour désigner le blanc et ses nuances. Nuances (couleurs) que la plupart des Occidentaux ne perçoivent pas. Pastoureau rappelle que si, en français ancien, le mot « couleur, coloré » était assez péjoratif (en raison de l’idée de fard, d’artifice) dans l’Occident Chrétien, aujourd’hui les choses ont bien changé. En effet, à mesure que les humains sont parvenus à mieux produire les couleurs, les rendre plus belles et durables, elles ont pris de l’importance.
Et Pastoureau montre bien comment une couleur est le résultat d’un cheminement technique mais aussi historique. Par exemple, le bleu, couleur de la Vierge (et par extension des femmes) au 14e siècle qui s’impose comme masculine au 19e… Vous apprendrez entre autre que certaines couleurs étaient strictement réservées à certaines professions ou groupes (les nobles, les marchands…), que longtemps en France la robe de mariée était rouge et non pas blanche.
Un outil pour l’étudiant en art, design ou architecture
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, connaître Pastoureau et s’y référer lors de la présentation d’un travail graphique (« Selon Michel Pastoureau… ») permet à l’étudiant en graphisme de montrer qu’il dispose d’une culture de la couleur. Ainsi ses choix ne sont plus des choix personnels mais une utilisation de codes reconnus. Ses livres » Le Bleu », « Le Noir » sont très documentés et disposent d’une iconographie (6) magnifique. Ils sont un peu chers mais peuvent être empruntés dans les bonnes bibliothèques ! Le plus utile pour les étudiants en design graphique, en architecture, en stylisme est probablement « Les couleurs de notre temps » car il analyse les utilisations contemporaines des couleurs.
Une critique ?
D’abord, Michel Pastoureau le reconnaît lui-même : ses livres ne traitent que de la symbolique occidentale de la couleur. Et puis, une couleur n’est jamais seule ! Associées, les couleurs prennent encore un autre langage comme le montrent si bien les exercices du célèbre professeur (et peintre) du Bauhaus Josef Albers. Mais c’est une autre histoire….
(1) incontournable (adj) : qu’on ne peut éviter (de connaître)
(2) prolixe (adj): qui produit (ici écrit) beaucoup
(3) chaire (n.f) : au sens propre le siège élevé d’où parle le professeur. Par extension cela désigne le poste dont un professeur d’université est titulaire.
(4) convention (n.f) : convenir de = être d’accord pour (langage soutenu)
(5) tabou (n.m) : chose dont on ne parle généralement pas dans un groupe humain
6) iconographie (n.f) : illustrations (au sens noble, universitaire du mot)